Le gymnase Japy à Paris a accueilli, lundi 21 novembre, un meeting organisé par le « Collectif National pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens ».
De très nombreuses organisations politiques, syndicales, associatives y ont appelé :
* Contre le Mur et la colonisation en Palestine
* Pour une paix juste entre Palestiniens et Israéliens
* Pour l’application des décisions de la Cour Internationale de Justice
Près d’un millier de personnes y ont assisté.
En ouverture, une troupe de dabké danse palestinienne, déchaîne l’enthousiasme.
A la tribune, outre Christian Picquet, secrétaire du Collectif, se tenaient Pierre Vidal-Naquet, Monique Chemillier-Gendreau, le palestinien Mohamed Khatib, membre du comité du village de Bil’in, l’israélienne Mikhal Raz de l’association israélienne « Anarchistes contre le Mur », Majed Bamya et Leïla Shahid dont c’était le dernier meeting à Paris en tant que Déléguée Générale de la Palestine en France.
Après l’exposé introductif de Christian Picquet rappelant la nécessité de poursuivre la mobilisation contre l’occupation, contre le Mur, contre le projet de « tramway colonial » à Jérusalem qu’Israël conduit avec l’aide d’Alstom et de Connex, deux multinationales françaises, et pour des sanctions tant qu’Israël bafouera les droits de l’homme et le droit international, Majed Bamya lit un hommage émouvant à feu Yasser Arafat.
Monique Chemillier-Gendreau rappelle la nécessité, en dépit de sa froideur, du droit international. C’est ce même droit - qui appliqué pour la première fois après la seconde guerre mondiale a conduit aux procès de Nuremberg - qui condamne aujourd’hui Israël. Elle revient avec insistance sur l’avis de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004, avis resté lettre morte. Il s’agit là, dit-elle, d’un scandale que seule l’opinion publique peut faire cesser. Elle évoque le projet de tramway destiné à être construit sur des terres palestiniennes expropriées et à relier Jérusalem à des colonies. Elle rappelle que sa construction et sa gestion ont été confiées à des entreprises françaises sur la base d’un contrat passé avec ces entreprises et l’Etat d’Israël. Ce contrat est, au regard du droit, frappé de nullité. En effet, aucune des deux parties au contrat ne peut disposer de la propriété d’une tierce partie. Elle rappelle le caractère à la fois symbolique et capital de cette bataille pour le droit. Le monde entier a le regard fixé sur cette région du monde. Une issue heureuse de ce combat marquerait sans doute une nouvelle ère marquée par le primat du droit, un droit unique, seul rempart contre la violence.
Un film, réalisé à Bil’in à l’occasion d’un voyage en Palestine par des militants du CCIPPP, a été projeté. Ce film montre la violence de la répression d’une manifestation pacifique contre des destructions menées sur des terres palestiniennes, destructions devant permettre la construction du Mur.
Mikhal témoigne de sa présence aux côtés des résistants pacifiques du village de Bil’in. Sa présence, avec d’autres israéliens et des militants internationaux, permet aux Palestiniens de ne pas risquer d’être mitraillés par les soldats israéliens qui n’ont pas le droit de tirer à balles réelles si des Israéliens sont mêlés aux manifestants. Le nombre des ces Israéliens est très réduit et sont considérés par la société israélienne comme fous ou traîtres, ce qui montre la nécessité d’un soutien important à l’étranger.
Mohamed raconte la résistance de son village de Bil’in. Cette résistance est née de la construction du Mur qui a coupé le village de 60 % de ses terres et qui a occasionné l’arrachage de 10.000 oliviers. De plus, le Mur a interdit au village toute possibilité de développement, ce qui a entraîné l’exode d’une partie de ses habitants. De plus, entre le village et la Ligne Verte, une colonie a été édifiée par des juifs orthodoxes dont l’objectif, à terme, est d’amener 300.000 colons à s’y installer. Cette lutte, menée avec des israéliens et des internationaux, est à la fois populaire et pacifique. Même si le Mur n’a pas reculé d’un mètre, les médias internationaux ont été alertés et la lutte de Bil’in a valeur de symbole et d’exemple. L’armée israélienne ne s’y est pas trompée. La répression est lourde. Plus de 400 manifestants ont été blessés. 20 personnes sont derrière les barreaux et le village subit quotidiennement bouclages, couvre-feu...
Mohamed lance un appel au soutien en demandant aux gens de venir, de filmer, de témoigner. Il conclut en insistant sur le fait que le rôle des militants est de se battre pour mettre fin à l’occupation et pas seulement à en atténuer les effets.
Pierre Vidal-Naquet rend un hommage émouvant à Leïla Shahid, en la remerciant d’avoir constamment associé les deux peuples, palestinien et israélien, dans son espérance. Il rappelle qu’il est entré en politique au moment où la France niait les tortures en Algérie. Il a poursuivi ce combat en luttant contre ceux qui niaient l’existence des chambres à gaz. Il lutte aujourd’hui contre ceux qui, comme Golda Meïr autrefois, nient jusqu’à l’existence du peuple palestinien.
Et, moment très émouvant, Leila Shahid reçoit de Pierre Vidal-Naquet un portrait de Madeleine Rebérioux et un bouquet de fleurs du Collectif National.
Leila Shahid conclut le meeting. Ce fut une grande émotion d’entendre la dernière intervention, à Paris, ès qualités de la Déléguée Générale de la Palestine en France. Elle regrette que les actions telles que celles qui associent l’israélienne Mikhal et le palestinien Mohamed ne soient pas relayées par les médias. Elle rend un vibrant hommage au Collectif National en le remerciant pour avoir fait avancer la cause de la justice auprès de l’opinion française. Elle s’insurge contre les tenants de la grille de lecture confessionnelle (guerre des civilisations) et s’inquiète de les voir à l’œuvre en France, notamment à l’occasion de la révolte des banlieues. Ici et là-bas, on voudrait renvoyer chacun dans sa tribu. On érige des Murs, visibles ou invisibles, pour empêcher des rencontres telles que celle de Mikhal et Mohamed. Elle dit son espoir que la France reste une république démocratique et laïque parce que c’est la forme que revêtira le futur état palestinien. En fait, le combat pour une coexistence pacifique qui se déroule au Proche-Orient est un combat universel. C’est un combat pour que les peuples du Nord et du Sud se reconnaissent enfin et se retrouvent dans un monde débarrassé de l’injustice.
L’image forte de ce meeting, c’est celle de Leïla Shahid, levant les bras de Mikhal et Mohamed sous un tonnerre d’applaudissements. C’est l’image du monde que nous, militants de la justice et de la paix, militants de la paix dans la justice, pour lequel nous luttons et qui fonde notre espérance.